La Commission européenne entre simplification et recul environnemental
Du côté des réglementations purement « ESG », le principal recul a été initié le 26 février dernier, avec la présentation d’une première législation dites « omnibus » visant notamment à simplifier les directives sur les informations de durabilité (CSRD), et sur le devoir de vigilance (CS3D), jugées trop contraignantes pour les entreprises.
Cette proposition est en cours de négociations au Parlement européen et au Conseil de l’UE – l’institution réunissant les États membres – où aucune majorité ne semble se dégager pour préserver ces deux textes emblématiques. Mais c’est loin d’être la seule réforme dans les tuyaux, jetant une ombre sur le Pacte Vert de l’Europe. Voici quatre dossiers environnementaux à suivre en cette rentrée.
La proposition du 26 février dernier n’était que la première d’une longue série de réformes « omnibus », amendant plusieurs législations existantes afin de réduire les excès de la « bureaucratie ». Six initiatives de la sorte ont depuis été proposées par la Commission, dont la dernière, consacrée aux dates et dispositions dans l’industrie de la chimie, a abouti sur une lettre ouverte contestataire d'ONG début juillet.
Ce texte prévoit entre autres de simplifier les demandes de dérogation par les fabricants de cosmétiques à l’interdiction d’utiliser certaines substances, comme celles qui sont classées cancérigènes, mutagènes ou toxiques (les substances dites “CMR”) dans les cas d’inhalation ou d’ingestion (mais pas quand un risque est identifié lors de l’exposition de la peau) ou encore d’alléger les contraintes pour les producteurs de fertilisants.
Et ce n’est pas tout : le prochain projet de ces omnibus, qui pourrait être proposé courant octobre, s’attaquera à plusieurs législations environnementales, dans les domaines de l’économie circulaire, des émissions industrielles et de la gestion des déchets (probablement la Directive-cadre relative aux déchets ou la Directive relative aux émissions industrielles et de l’élevage). Au menu, a priori : la suppression de plusieurs obligations de reporting, ainsi que l’accélération des évaluations environnementales dans le cadre des délivrances de permis industriels.
La directive sur les « allégations environnementales explicites » fut l’objet d’un psychodrame législatif à Bruxelles au début de l’été. À la surprise générale, la Commission européenne avait alors annoncé retirer purement et simplement ce texte ambitieux destiné à lutter contre le greenwashing.
Le projet proposé en 2023, aussi appelé « green claims directive », devait entrer dans son ultime phase de négociation. La justification invoquée par la Commission : protéger de la lourdeur du dispositif les micro-entreprises, lesquelles avaient pourtant toutes les chances d’être exemptées par les négociateurs.
Si, devant l’indignation de la gauche du Parlement européen et des ONG vertes, la Commission est vite revenue sur sa décision, le projet n’en a pas moins souffert. Pointé du doigt par la droite et l’extrême droite, la directive a vu la majorité dont elle bénéficiait à la table des 27 s’écrouler, après que l’Italie de Giorgia Meloni soit revenue sur son soutien initial.
« La présidence danoise est en train de travailler avec la Commission et au sein du Conseil pour essayer de relancer les négociations », nous indique aujourd’hui le centriste italien Sandro Gozi, rapporteur au Parlement européen. Biens « éco » ou « verts », « neutres en carbone », « produits avec des énergies renouvelables », ou encore comprenant « x% de contenu recyclé »… Le texte doit contraindre les entreprises à faire vérifier en amont le caractère scientifiquement étayé de ce type de communications à travers l’Union. Mais verra-t-il le jour de sitôt ? On peut en douter.
La laborieuse discussion que les 27 ont en ce moment sur leur objectif climatique à l’horizon 2040 en dit long du déclassement subi par ces thématiques au sein de l’agenda politique de l’Europe. Le 2 juillet dernier, la Commission européenne a proposé d’inscrire dans la loi l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 % à l’échéance 2040, soit le minimum nécessaire pour que l’UE respecte son engagement lié à l’Accord de Paris, d’après le consensus scientifique.
L’idée initiale de l’exécutif européen était de faire adopter cette « loi climat 2040 » d’ici à la COP 30, qui se tiendra du 10 au 21 novembre à Belém (Brésil). Rien n’est moins sûr. En l’absence de consensus, une dizaine de pays hésitants, dont la France et l’Allemagne, ont ainsi imposé que le dossier remonte à la table du sommet des leaders européens prévu les 23 et 24 octobre prochains. « Ces États membres veulent débattre de leurs diverses revendications sur le coût des mesures vertes, leur acceptabilité par les citoyens ou encore de normes climatiques européennes jugées trop dures pour les entreprises », résume Les Echos au sujet des objectifs de l'UE à l'approche de la COP30. « L’obsession de la France, c’est de ne pas opposer ambition climatique et compétitivité industrielle, mais de créer les conditions où notre industrie européenne pourra soutenir notre ambition climatique », a fait valoir Agnès Pannier-Runacher, la ministre démissionnaire de la Transition écologique, le 18 septembre à Bruxelles.
Rédaction : Clément Solal, journaliste
Relecture : Vincent Couronne, docteur en droit européen