ESRS simplifiés : l'EFRAG livre son avis technique avec 61 % de data points obligatoires en moins

Allégements majeurs et nouvelles règles pour un reporting CSRD recentré.

ESRS simplifiés : l'EFRAG livre son avis technique avec 61 % de data points obligatoires en moins

L'EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) a publié le 3 décembre 2025 son avis technique sur les ESRS simplifiés (« Set 2 »). Son projet est désormais entre les mains de la Commission européenne, qui doit adopter l'acte délégué révisant officiellement les douze ESRS actuels (« Set 1 ») d'ici juin 2026.

Avec ce « Set 2 », l'objectif affiché par Chiara Del Prete, présidente du Sustainability Reporting Technical Expert Group (SR TEG) de l'EFRAG est de permettre aux entreprises de communiquer sur leur façon de piloter leur durabilité plutôt que de s'inscrire dans une démarche de conformité. Un changement de cap visant à rendre l’exercice de reporting CSRD plus flexible, plus court et plus stratégique. L’EFRAG aurait pris bonne note des retours d’expérience des entreprises ayant publié leurs premiers rapports de durabilité en 2025 (la vague 1) ainsi que des nombreux avis obtenus à la suite de la consultation publique ouverte durant l’été sur son projet de révision des standards ESRS.

Une réduction drastique des exigences de publication

La simplification affichée par l’EFRAG se traduit par une baisse de 61 % des points de données (« data points ») obligatoires figurant dans les ESRS « Set 1 ». Quant aux points de données volontaires (« may disclose »), ils disparaîtront des ESRS « Set 2 » afin d’être désormais regroupés dans un document d'orientation non contraignant (NMIG - Non-Mandatory Illustrative Guidance).

Le groupe consultatif a mis en place cette architecture à deux niveaux afin de permettre aux entreprises de se concentrer sur l'essentiel tout en offrant, à ceux qui le souhaitent, la possibilité d’avoir accès à des illustrations regroupées au sein du document « NMIG ».

Quatre évolutions majeures

1. Flexibilité dans la présentation : executive summary et annexes

Les entreprises peuvent désormais structurer leur rapport de durabilité de la manière suivante :

  • proposer un « executive summary » synthétique et stratégique afin de délivrer les messages clés,
  • et détailler l’ensemble des informations de durabilité (points de données granulaires) en annexe.

Cette option répond aux critiques sur la longueur excessive et la difficulté de lecture des premiers rapports CSRD.

2. Double matérialité simplifiée

L'EFRAG abaisse le degré d'analyse requis au sujet de l'évaluation de double matérialité. C’est le principe central qui doit guider la rédaction du rapport de durabilité.

  • La matérialité peut être déterminée au niveau d'un sujet de durabilité (ou sous-sujet de durabilité), sans nécessairement mener son analyse jusqu’à l’impact, le risque ou l’opportunité (IRO) individuel. A noter que la longue liste des sous-sous-sujets de durabilité, notamment sur les enjeux sociaux, disparaîtrait.
  • L'approche « top-down » est à privilégier : l’analyse de double matérialité peut partir de la stratégie et du modèle d'affaires de l'entreprise afin d’identifier les sujets ou les IRO matériels. Elle peut être réalisée rapidement, en interne et ne nécessite pas d’aller plus loin dans la démarche. En cas de doute sur certains sujets de durabilité, l’approche « bottom-up », menée avec les parties prenantes, peut permettre d’affiner son analyse et de mieux la documenter en vue de l’audit.
  • Le principe de matérialité de l'information est mis en lumière dans la nouvelle mouture : sur un sujet ou un IRO matériel, seules les informations de durabilité - donc les points de données - matérielles sont à présenter dans le rapport. Ce qui permet à nouveau de faire ses choix.

3. Chaîne de valeur : données directes et estimations sur un pied d'égalité

Une des ruptures majeures du projet de l’EFRAG réside dans les données à faire remonter au sujet de la chaîne de valeur de l’entreprise. Des données estimées peuvent être présentées au même titre que celles directement collectées auprès des acteurs de la chaîne de valeur. Cette flexibilité méthodologique répond aux difficultés pratiques rencontrées par les entreprises, particulièrement sur le Scope 3 des émissions de GES ou les données sociales sur les travailleurs de la chaîne de valeur.

4. « Fair presentation » : un principe d'équilibre

Le principe de « présentation fidèle » (« fair presentation ») devient le fil conducteur de la rédaction du rapport. Les entreprises doivent rechercher un juste équilibre entre exhaustivité et lisibilité de leur rapport. Cette approche, inspirée du reporting financier IFRS, introduit une dose de flexibilité supplémentaire pour les sociétés déclarantes qui peuvent ainsi choisir de ne pas tout déclarer. « Une granularité excessive nuit à une présentation fidèle du rapport », illustre notamment Patrick de Cambourg, président du Sustainability Reporting Board (SRB) de l'EFRAG.

Nouvelle architecture : l’ESRS 2 est renforcé en tant que socle central

La structure des standards est profondément remaniée :

  • L’ESRS 2 concentre désormais toutes les exigences de publication sur les questions de gouvernance, de stratégie et de description des IRO matériels.
  • Ce qu’il convient de déclarer concernant les politiques, actions et cibles (PAT), mises en place au sein de l’entreprise, est principalement décrit via les exigences générales de publication ou GDR (pour « General Disclosure Requirement ») de l'ESRS 2, plutôt que répété dans chaque standard thématique. Les GDR sont moins granulaires et ainsi requièrent moins de remontées d’informations aux sociétés. Il n’est plus nécessaire de donner les raisons de l’absence d’une politique ainsi qu’un horizon temporel pour sa mise en place au sein de l’entreprise.
  • Principe anti-doublon : chaque information est à présenter une seule fois dans le rapport et il est possible de réaliser des renvois vers d’autres parties de sa déclaration.
  • Les ESRS thématiques (E1-E5, S1-S4, G1) se concentrent davantage sur les indicateurs, spécifiques à leurs domaines respectifs, à produire dans le rapport de durabilité.
  • Les exigences de présentation ou AR (pour « Application Requirement ») sont désormais présentées directement après chaque exigence de publication ou DR (pour « Disclosure Requirement ») qu’elles viennent préciser, améliorant la lisibilité et la compréhension des méthodologies à appliquer.

Effets financiers anticipés : moratoire jusqu'à 2030 minimum

Point important : les données sur les effets financiers anticipés ne seront pas à présenter avant 2030 au plus tôt. Ce moratoire reconnaît le manque de maturité méthodologique et les enjeux de sensibilité liés à ces informations prospectives. Attention toutefois, si les effets financiers se matérialisent avant 2030, il conviendra de les mentionner dans son rapport.

Travaux à venir de la Commission européenne

L’EFRAG a adressé son avis technique à la Commission européenne (« Set 2 »). L’exécutif européen va désormais consulter les Etats membres ainsi que plusieurs comités techniques (procédure de comitologie) pour rédiger son acte délégué. La Commission pourrait ainsi décider de modifier certains éléments des standards simplifiés proposés par l’EFRAG. Elle se fixe pour objectif de présenter l’acte délégué révisant officiellement les ESRS (« Set 1 ») d’ici la fin juin 2026, à la suite de l’adoption du texte omnibus.

Calendrier d'application : 2028 en vue

Le « Set 2 » des ESRS s'appliquera aux rapports de durabilité 2028 (exercice financier 2027), avec une application volontaire ouverte dès les rapports 2027 (exercice financier 2026).

À noter : l'EFRAG prévoit de publier une version révisée de son fichier Excel listant l'ensemble des points de données du « Set 2 » au premier trimestre 2026, offrant aux entreprises un outil de pilotage actualisé.

Conseils pratiques pour anticiper dès maintenant

1. Cartographier l'écart entre vos processus actuels (« Set 1 ») et les exigences du « Set 2 » dès la publication du fichier Excel de l’EFRAG au T1 2026.

2. Tester l'executive summary : structurez vos prochains rapports à l’aide d’une synthèse stratégique en début de document et évaluez les data points pouvant migrer en annexe.

3. Réviser votre analyse de double matérialité : utiliser l’approche top-down, partant de votre stratégie, pour réévaluer vos IRO ou sujets matériels. Adopter la boussole de la matérialité de l’information pour affiner les données essentielles à effectivement présenter dans votre rapport de durabilité.

4. Renforcer vos capacités d'estimation pour les données sur votre chaîne de valeur, en documentant vos méthodologies pour l'audit.

5. Anticiper l'application volontaire 2027 si votre organisation est mature : cela vous donnera un avantage compétitif en termes d'expérience et de benchmark.

Éléments clés Informations essentielles
Réduction des data points 61 % de points obligatoires supprimés, retrait des points volontaires vers un guide NMIG
Executive summary Possibilité d’un résumé stratégique avec les données détaillées en annexe
Double matérialité Analyse allégée, approche top-down privilégiée, disparition des sous-sous-sujets
Chaîne de valeur Données estimées acceptées au même niveau que les données directes
Fair presentation Principe d'équilibre entre exhaustivité et lisibilité, aligné sur l’esprit IFRS
ESRS 2 renforcé Socle central regroupant gouvernance, stratégie et IRO matériels
Moratoire Pas d'obligation de publier les effets financiers anticipés avant 2030
Calendrier Application prévue pour les rapports 2028, option volontaire dès 2027